NIEDZ

WIEDZ

Sabine

Sculpture monumentale : Carmen




 

CARMEN

 

Une sculpture de Sabine Niedzwiedz « Il y a des moments où la création est plus importante que la vie, où la passion vous dévore, où elle vous brûle les mains… »

Cet aphorisme prononcé par Sabine Niedzwiedz est la plus belle des introductions pour présenter son œuvre aussi monumentale que gracile, aussi puissante que sensible, aussi sereine que miraculeuse.

Réalisée en 2011, prix Cogedim de la première œuvre, cette sculpture dont le thème imposé était un hommage à la liaison brulante qui unissait Gabrielle d’Estrées et Henri IV, est née de la magie inspirée de Sabine Niedzwiedz, céramiste prolixe et peintre si profonde.
Dans la cour d’une résidence privée en lisière de la Porte de Vanves à Paris, on est saisit par cette vision d’une déesse massive et colorée, drapée d’émaux, au visage large et souriant de bienvenue qui irradie d’une évidente humanité. Lèvres brillantes et charnues, volupté typée des femmes maures, baisers salés des berbères-andalouses dont les bras disparaissent dans les hanches en entendant les premières accords d’une Sévillane à la Féria. Voilà Carmen, blonde comme Gabrielle, métisse comme Saint Martin de Porrès, semblant porter toutes les histoires du monde et les espoirs de paix dans l’histoire agitée des Bourbons aux confins confisqués des royaumes orientaux. Ce serment amoureux gravé à l’usure du temps, ce roi qui pleure seul dans son lit, cette jeune fille privée de choix, Carmen se souvient de tout.

Le bleu est omniprésent sur la robe de cette femme-mosaïque où s’est posée une colonie de moineaux en céramique. On imagine volontiers les centaines d’heures de travail comme les difficultés techniques que Sabine a dû surmonter pour que Carmen se dresse et voit le jour. Santon géant et prodigieux qui exprime plus que l’énergie de multiples cuissons, de collages ingénieux, mais se charge au fond de sensibles missions comme celle de garder la mémoire d’une femme contemporaine passée dans la vie de l’artiste. Présence amoureuse et fondatrice, deuil impossible, chagrin repeint aux couleurs précises des jours heureux, éternité rebelle, idolâtrée parce qu’évanouie.

Sabine Niedzwiedz, a tout de cette grande dame, dont on ne voit pas les mains mais qu’on devine meurtries, dont on ne s’empare pas du cœur mais que l’on rencontre pourtant, dont on ne connait pas la douleur mais que l’on aperçoit dans le ciel de ses yeux, comme cette trapéziste qui n’a jamais rien dit de ses fractures, cette sculptrice de ses amours, quand ils sont fait de chair et de sang.

 

Cyrille ZAKOF ( DR. 2020)